Comment photographier la Voie lactée ?
Tout commence au printemps
Quand la meilleure saison pour observer la Voie lactée arrive, je suis fou comme un enfant à l’approche des grandes vacances ! Dans l’hémisphère nord, nous pouvons observer la Voie lactée toute l’année, mais c’est seulement sur la période de fin mars à fin septembre que son bulbe sera visible, c’est-à-dire au-dessus de l’horizon.
Le bulbe, c’est ce dernier qui va retenir toute notre attention, aussi appeler le cœur, c’est là que la plus grosse concentration d’étoiles se trouve, qui dit plus d’étoiles dit plus de lumière et plus de détails.
Comme nous allons le voir tout au long de cet article, la technique est légèrement différente de celle utilisée pour les aurores boréales.
Oui, mais le reste de l’année ?
Pas de temps pour hiberner, on peut être créatif toute l’année...
C’est comme remonter le temps…
Pour la petite histoire, il faut tout d’abord comprendre que le scintillement des 100 milliards d’étoiles qui la composent a mis des centaines d’années pour parvenir jusqu’à nous, rien que ça... Photographier la Voie lactée, notre galaxie, c’est par la même occasion regarder et immortaliser le passé, un peu comme si votre appareil photo avait le pouvoir de faire voyager dans le temps !
Bien entendu, c’est une métaphore, non nos appareils photo ne nous permettent pas encore de remonter le temps, quoique…
C’est la première chose à laquelle je pense systématiquement lorsque je fais une sortie photo de nuit, ou astrophotographie et plus particulièrement pour contempler et immortaliser la Voie lactée, je sais que je vais percevoir un immense et indescriptible phénomène qui s’est formé il y a 13,2 milliards d’années, un phénomène Céleste.
Cap au Sud !
Pour obtenir de belles images de la Voie lactée sublimant un sujet en particulier, ou bien un vaste paysage, afin de faire tout le monde dans la composition de notre photo. Une autre solution consiste à faire un panoramique dans le but d’avoir l’arche en totalité (du nord au sud).
Pour faire une simulation et commencer mon repérage et ma composition, j’utilise l’application Star Walk 2 sur mon Smartphone.
Star Walk 2 est une application qui se décline en 2 versions, l’une gratuite et une version payante.
La version gratuite est limitée bien entendu, certaines fonctions sont bloquées, mais si vous comptez vous en servir uniquement pour trouver le cœur de la Voie lactée en toutes situations et même anticiper sa position, puisque l’application Star Walk 2 ne se limite pas qu’à une utilisation en temps réel, elle permet également de choisir la date et l’heure et donc de pouvoir se projeter dans le temps.
Personnellement j’ai opté pour la version payante à 0.99 centime d’euro (en 2017). Oui, vous avez bien lu, moins de 1 euro pour une application géniale et tellement pratique.
Une fois votre application choisie, il vous faudra aligner Jupiter dans Saturne et Uranus dans Neptune… Rassurez-vous, je plaisante…
Face à votre PC, la souris dans une main, votre Smartphone dans l’autre, je commence toujours sur Google Maps par repérer le point de vue, le temps de route, l’orientation. Avec mon Smartphone depuis l’application Star Walk 2, j’avance dans le temps et je contrôle la possibilité d’aligner mon sujet et la Voie lactée.
Orientez-vous vers le Sud, en accélérant le temps depuis l’application, entre 23 h et 6 h du matin, en fonction de la période de l’année, repérez la constellation du Scorpion, vous devriez rapidement apercevoir la Voie lactée qui se dresse fièrement au fil des minutes.
Sur le terrain, une fois vos yeux habituez à l’obscurité, vous devriez apercevoir une concentration d’étoiles, plus lumineuses que les autres.
Oui à l’œil nu la Voie lactée est comme « laiteuse » d’où son nom. Je contrôle également la position de la Lune en fonction de l’heure et la période de l’année, en complément, je regarde le calendrier lunaire.
Avant de préparer mon matériel photo, je jette un œil sur la météo, j’utilise le site Sat24 en mode prévision : http://fr.sat24.com/fr/forecastimages
Même si ce site est extrêmement fiable, je n’hésite pas à croiser les informations avec d’autres précisions sur d’autres sites, Météo France, Yahoo Météo… Autant ne pas prendre trop de risques, surtout si vous devez faire pas mal de route.
Non pas vraiment, en réalité…
J’évite de partir trop à l’aventure, surtout si mon sujet se trouve à plusieurs heures de route ! La première chose à contrôler c’est la pollution lumineuse, oubliez la Voie lactée au-dessus de la tour Eiffel…
Pour contrôler la pollution lumineuse et savoir à quoi s’attendre compte tenu de la région, j’utilise le site Avex : http://avex-asso.org/dossiers/pl/europe-2016/google-map-fausse-couleur/index.html
Bien entendu, plus vous vous éloignerez des agglomérations plus profondes sera l’obscurité, et plus intenses seront les étoiles !
Corrigez-moi (fort) si je dis une bêtise, mais le triangle noir du Quercy dans les Causses du Quercy est the place to be pour l’observation des étoiles, qualifiée comme le ciel le plus pur de France ! Vous savez maintenant où vous rendre pour en prendre pleins les mirettes !
Comment photographier la Voie lactée ?
Concernant le matériel nécessaire, il vous faut un trépied bien stable, personnellement, j’ai opté pou un trépied carbone, ultra-stable le Lion Rock 30 de la marque Rollei.
En photographie, se démarquer des autres est capital, et pour faire la différence avec toutes les photos que l’on peut trouver sur internet, il est primordial d’oser des compositions dynamiques et originales, un trépied modulable vous permettra d’adapter toutes sortes de positions, pensez-y !
Il vous faudra obligatoirement (pour débuter) un objectif grand-angle capable d’ouvrir entre F1.8 et F4. Les objectifs fournis dans les packs comme les 18-55 ou 18-135 F3.5 peuvent parfaitement faire l’affaire, surtout lorsqu’on débute.
Attention si vous êtes équipé d’un appareil photo avec un capteur APS-C, il sera nécessaire d’investir dans un objectif 10-20mm par exemple, car en fonction du facteur de CROP de capteur du fabricant, vous aurez l’équivalent d’un 25 ou 27 mm environ ! Et non seulement votre cadrage sera difficile à réaliser, mais votre temps de pose sera bien plus limité !
Vous devez être en possession également, d’un appareil photo capable d’encaisser au moins 1600 ISO sans vous délivrer une image trop bruitée. En dessous de 1600 ISO, même dans les meilleures conditions, votre Voie lactée, votre ciel ainsi que votre photo de manière générale, seront sous-exposés.
Comptez 3200 ISO pour faire apparaître ses détails et ses couleurs.
Par exemple, avec mon Canon 6D, je commence à 4 000 ISO, et je n’hésite pas à monter à 5 000 et 6 400 ISO, le résultat du fichier RAW non retravaillé est déjà bluffant !
Équipez-vous d’une télécommande, afin d’éviter de faire bouger votre boîtier lors du déclenchement ou entre chaque photo.
Des batteries bien chargées, l’astrophotographie est un enchaînement de tests et de poses longues, la plupart du temps en Liveview, avec parfois des températures assez basses, tous ces facteurs consomment énormément en batterie !
On n’oublie pas non plus les gants et le thermos (café ou chocolat, je vous laisse libre sur le sujet).
Petite astuce, s’il vous arrive de faire de la photo de nuit lorsqu’il fait froid, une grosse chaussette reconditionnée sur votre appareil limitera la vitesse de décharge de votre batterie et restreindra les défauts de comportement dû au froid sur votre boîtier. Pour la condensation, pensez à replacer le capuchon d’objectif lorsque vous ne photographiez pas.
Oui, le résultat de votre photo va dépendre de votre matérielle photo, de la Lune, de la pollution lumineuse, de la période de l’année, mais également de la météo !
Si obtenir les bonnes conditions demande de la patience, la pratique sur le terrain n’est pas chose aisée également. Une fois sur place dans le noir, il vous faudra trouver le moyen de poser votre trépied et l’appareil photo, brancher la télécommande, et commencer et faire une multitude de tests pour arriver à la composition voulue.
Je ne vous le souhaite pas, mais il vous arrivera malgré tout de rentrer déçu et terriblement frustré, météo changeante, pollution lumineuse plus importante que prévu, végétation hostile…
En pleine nuit, en cherchant la constellation du Scorpion je me suis assis sur un petit cactus… On ne rigole pas svp ! 😉
Nous avons tous déjà fait l’expérience d’un Sunset raté pour des raisons météo, imaginez la même chose avec le manque de sommeil, de nuit, sans personne pour vous remonter le moral.
Sur le terrain…
Vous êtes arrivé 2 h en avance, le ciel est dégagé et la lune absente, la pollution lumineuse est faible, le sujet là comme vous l’aviez prévu, une chapelle isolée en montagne, un superbe pic, un lac, peu importe du moment que ça vous séduit et que dans votre imagination ça fonctionne.
Je vous recommande d’habituer vos yeux au noir total le plus rapidement possible.
Dans le pire des cas, optez pour une frontale avec une lumière rouge et faites le choix d’une faible intensité.
Apprenez les commandes et les menus de votre appareil photo par cœur ! Dans le cas contraire une fois la nuit venue, vous ne vous en sortirez pas, et vous irez de galère en galère, découragé vous capitulerez avant d’obtenir vos précieuses photos !
Comment faire votre composition en pleine nuit, 3 solutions s’offrent à vous. Vous pouvez vous aider d’une lampe torche puissante, pour trouver votre sujet, vous placer, faire votre composition et vérifier votre mise au point.
Vous pouvez également monter en ISO, par exemple ISO max, en utilisant la plus grande ouverture possible (par exemple f2.8*) et 4 secondes de pose. Cette solution vous permettra de trouver rapidement votre composition, même dans le noir total, et sans vous faire perdre les 15 minutes d’adaptation de vos yeux. Si vous optez pour cette solution, vous devez être en mesure de faire la mise au point manuellement sur une étoile, en utilisant la fonction Zoom de votre Liveview.
Pour les plus patients, vous pouvez faire votre composition, cadrage, mise au point à l’heure bleue et attendre la tombée de la nuit.
Attention ! L’ouverture du diaphragme influe énormément sur la profondeur de champ, en dessous de f4, pensez à vérifier que votre sujet et vos étoiles sont bien nettes. Utilisez la fonction Zoom lorsque vous regarderez vos premières photos. Par expérience, je vous assure qu’il n’y a rien de plus désagréable que de s’en rendre compte le lendemain.
*Souvenez-vous, plus le chiffre f est petit et plus l’ouverture est grande.
Pas de panique, pour calculer le temps de pose en fonction de votre focale, il existe une règle, une règle simple : la règle des 500.
Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous laisser avec ça, non bien au contraire. D’autant plus que cette règle des 500 est approximative.
La règle des 500 dit que vous devez réaliser le calcul suivant : 500 / votre longueur focale.
Par exemple : 500 / 16 = 31,25 secondes ! 16 correspondant à la longueur focale de votre objectif avec appareil photo plein format (24*36).
Autre exemple : 500 / 14 = 35 secondes, si vous utilisez un 14 mm avec un capteur plein format (Full Frame).
Cette règle ce n’est pas moi qui l’ai inventé, vous constaterez que lorsqu'on dépasse les 20 secondes avec un 16 mm, en Plein Format, les étoiles vont commencer à devenir moins nettes, plus ovales, et en dépassant les 25 ou 30 secondes, elles ne seront plus nettes du tout, elles commenceront à filer (étoiles baveuses et ovales).
Nous dirons que cette règle a au moins le mérite d’exister, tout en servant de base pour commencer les travaux pratiques.
Avec un 14 mm, je ne dépasse pas les 25 secondes de pose, et 20 secondes au 16 mm. Rassurez-vous, vous pourrez contrôler tout ça sur le terrain et faire vos propres choix de temps de pose en fonction du résultat attendu.
Les informations indiquées ci-dessus concernent un capteur dit Plein Format (Full-Frame), comme mon Canon 6D par exemple.
Si vous avez choisi un capteur APS-C, il vous faudra rechercher sur internet le facteur de « CROP », par exemple, X 1.6 chez Canon, X 1.5 chez Pentax, Sony et Nikon, et appliquer la règle des 300.
Ce qui donne : 300 / longueur focale (par exemple 16 mm) = 18.75 secondes.
Répétez autant qu’il faudra les tests sur le terrain en fonction de votre matériel, c’est la seule solution pour trouver le temps de pose adéquate.
La Mise Au Point (MAP)
Je vous l’accorde, faire la mise au point de nuit n’est pas forcément une chose aisée, logiquement si votre objectif dispose d’un indicateur sur l’infini, représentée par ce symbole &, sur la bague de mise au point, il vous suffira de vous mettre sur l’infini pour que votre Voie lactée soi nette.
Malheureusement en fonction des objectifs ce n’est pas toujours le cas, de plus ça ne fait pas de mal de vérifier avant de commencer, ou tout au long de votre session d’astrophotographie que tout se passe de ce côté-là…
Imaginez un instant qu’après une nuit à la belle étoile et que lorsque vous rentrez à la maison, le transfert de vos photos terminées sur votre PC, vous découvrez sur votre grand écran que la mise au point était en fait décalée (c’est du vécu) !
Pour éviter cela on va chercher l’étoile la plus lumineuse possible et zoomer dessus à l’aide du Liveview, normalement vous devez vous trouver sur l’infini.
Faites une première photo, vérifiez votre photo, zoomez sur les étoiles les plus lumineuses et une fois que votre MAP est réussie ne touchez plus à la bague de mise au point !
C’est le grand moment, tout est réglé comme du papier à musique, compo, temps de pose, ouverture, nous sommes en avril, il est 4 h 20 du matin et la Voie lactée surgit au-dessus de l’horizon…
Première prise de vue à 3 200 ISO, 16 mm, F4, 20 secondes de pose et voilà, déjà une première dans la boîte à images !
Personnellement, je fais quelques clichés avec différents réglages, j’augmente légèrement le temps de pose, les ISO dans le but de faire ressortir la Voie lactée, tout en surveillant l’aspect de mes étoiles.
Quand j’obtiens le résultat souhaité, j’éclaire à la frontale le sujet si je veux le faire ressortir, sur un cliché à part en adaptant le temps de pose, soit je fais une pose plus longue en pose B, mode Bulb, pour aller au-delà de 30 secondes de pose.
Si nécessaire, débouchez le sujet avec votre frontale, en le balayant de droite à gauche et de haut en bas, ne restez pas fixe sinon vous brûlerez votre photo.
Pour ma part, la solution la plus efficace et plus naturelle reste de poser au moins 10 minutes pour récupérer la faible lumière nocturne (celle des étoiles), afin d’obtenir une exposition correcte de mon sujet de mon premier plan.
Attention : réaliser un temps de pose très long pour obtenir une bonne exposition du premier plan et du sujet, de nuit, induit forcément un ciel d’étoile totalement filé ou presque. Il faudra assembler (Blending) sous Adobe Photoshop la photo du ciel avec celle du premier plan.
Comment photographier la Voie lactée ?
La magie du numérique…
Sur le terrain, je garde toujours à l’esprit que pour obtenir un meilleur résultat j’assemblerai mon sujet ou bien mon premier à mon ciel étoilé, à l’aide de Photoshop.
L’idée, c’est d’obtenir une exposition pour le sujet et un temps de pose parfait pour éviter aux étoiles de devenir trop ovale.
Pensez à utiliser cette astuce afin de faire diminuer le bruit par exemple, une pose longue de plusieurs minutes pour ramener de la lumière dans votre compo que vous assemblerez avec votre Voie lactée.
Pour aller plus loin, imaginez que votre sujet ne puisse pas se trouver dans l’axe de la Voie lactée, en utilisant cette technique, vous pourrez assembler vos photos afin d’obtenir le résultat désiré.
Blending, Stacking
En pensant post traitement à la prise de vue et en utilisant plusieurs expositions, il sera aisé d’assembler (Blending) plusieurs photos pour jouer avec la pollution lumineuse par exemple, déboucher le premier plan sans utiliser une lumière artificielle, exposer parfaitement son ciel…
Le Blending, c’est l’assemblage automatique ou manuel de plusieurs photographies, en utilisant un logiciel comme Adobe Lightroom ou Photoshop par exemple, pour obtenir une seule photo. Déboucher les ombres sans moirer, conserver les hautes lumières sans brûler.
Le Stacking, c’est l’assemblage de plusieurs photographies dans le but de les cumuler, non pas pour récupérer des informations, mais dans le but de réduire le bruit, je vous en parlerai plus en détail dans un prochain tutoriel.
Après une série de photos avec vos différents réglages, il ne vous reste plus qu’à rentrer chez vous, des images plein la tête et plein la carte mémoire !
Place au tri, et au post traitement, commencez par prendre le temps de bien régler votre balance des blancs sous Lightroom ou DXO par exemple.
Pour la gestion et la réduction du bruit, je vous recommande fortement de passer votre image dans le logiciel DXO Photolab qui gère extrêmement bien le bruit grâce à son moteur Prime.
Comment photographier la Voie lactée ?
- Applications pour votre smartphone : Star Walk 2 et un calendrier Lunaire
- Orientation : Recherchez la constellation du Scorpion
- Radars et prévisions météo : Sat24.com
- Pollution lumineuse : avex-asso.org
- Période : mars à octobre
- Un trépied, une télécommande, une lampe frontale
Si vous avez l’habitude de traiter vos photos sous Lightroom, prenez une grosse bouffée d’air frais, aller récupérer du sommeil, car faire exploser la Voie lactée sous Adobe Lightroom ou encore Photoshop n’est pas chose aisée.
Au premier abord, il faudra doser, prendre du recul, faire de nombreuses pauses, pour ne pas dénaturer la douceur d’une belle nuit étoilée, tout en donnant plus de place et de couleurs à notre magnifique Galaxie !
Cet article touche à sa fin, j’ose espérer qu’il vous permettra de réaliser de belles photos et surtout de prendre du plaisir en apprenant.
Great post.
Thanks a lot 🙂
merci : très bonne synthèse !
Merci beaucoup !